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Est-il permis de jeter dehors des gens de sa maison?

  • Morinehtar
  • 29 nov. 2021
  • 12 min de lecture

L'évangile de Jésus-Christ est un évangile d'inclusion, d'amour et de pardon, il n'y a aucun doute là-dessus.

Mais j'aimerais parler ici de la douloureuse réalité des membres d'un ménage, famille cellulaire ou pièces rapportées, qui par leurs actions, attitudes, et comportements nuisent au bon fonctionnement du foyer. Car il y a la théorie et la pratique. L'idéal et le présent. Les aspirations des uns et le désintérêt des autres. Sujet délicat s'il en est, qui renvoie aux définitions de la famille, de sa nature et de son but, mais aussi à la nature et au but de la vie sur terre. Car pour parler de "bon fonctionnement d'un foyer", encore faut-il définir les objectifs et les rôles de chacun...

On pourrait citer le Maître et s'arrêter à : "Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint".

Mais même le Maître a reconnu que la dureté du coeur de l’homme avait résulté en une loi inférieure permettant des dispositions dérogatoires. Peut-on inclure la faiblesse et les limitations humaines dans la dureté du coeur, ou doit-on considérer que si on a le coeur à la bonne place la question ne se pose même pas ? Je ne souhaite pas parler ici des raisons du divorce, bien que le sujet soit définitivement lié, la question légitime et les réponses similaires, au moins en partie.



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Je veux parler ici des Tanguy et Tanguettes, des toxicomanes et généralement des personnes qui, bien que dépendantes d’un foyer pour leur survie ne se montrent pas coopératrices avec les règles et objectifs de la maison. Ces objectifs peuvent inclure la recherche d’une plus grande autonomie, temporelle ou spirituelle, l’édification d’un sanctuaire de foi, d’un centre missionnaire ou d’un refuge contre le mal. Et les « parasites » peuvent être des enfants ayant « mal » grandi ou des personnes admises sous le toit pour des raisons d’entraide ou autres et qui finalement n’y sont a priori plus bienvenues. Le fils prodigue, après s’être repenti, a de nouveau été accueilli chez son père, quoique contre l’avis de son frère. Mais si le frère refusant de pardonner est décrit comme ayant tort, le fils prodigue s’est en attendant bel et bien repenti. Son père l’aurait-il accueilli de même s’il était revenu avec l’intention de continuer sa vie de débauche ?


S’il existe des structures accueillant les personnes rendues dépendantes par l’âge, la santé physique ou mentale, ou l’usage de drogues, la question morale se pose pour les disciples du Christ sous mandat d’honorer leurs parents, de porter les fardeaux les uns des autres, d’être hospitaliers, de donner à ceux qui demandent, bref d’aimer et de servir leur prochain et de secourir les nécessiteux.

Or, si le principe enseigné par le roi Benjamin, de ne pas courir plus vite que l’on a de forces, et d’adapter son service à ses capacités, est plein de bon sens, il reste les questions de savoir quand on considère qu’on a suffisamment pour nos besoins, de définir ce qui relève de besoins vitaux ou de luxe et de confort et s’il est mal de chercher à s’accroître, et bien sûr et c’est ce qui nous intéresse ici, de savoir ce qui relève de notre responsabilité ou non, en particulier lorsqu’il s’agit de la famille. En effet, cet enseignement de Paul est sans ambages:


Si quelqu’un n’a pas soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il a renié la foi, et il est pire qu’un infidèle. (1 Tim 5:8)


L’église et la société sont plus ou moins d’accords sur le principe que toute personne capable est responsable d’elle-même, et en particulier que la charge des enfants incombe aux parents jusqu’à la majorité des enfants, considérant qu’ils sont capables de subvenir à leurs besoins à ce moment-là et sachant que la « majorité » n’a pas toujours été donnée au même moment selon les époques, les endroits, les cultures (les droits des enfants, la scolarité obligatoire, sont des concepts relativement récents dans les sociétés occidentales). Passé la majorité le verset 5 de la section 83 suggère que l’apport économique des parents aux enfants vient sous forme d’un héritage traité comme une intendance, ce qui nous ramène à notre cher fils prodigue. Et s’il ne se repent pas ? Et si, parce qu’il a pris des substances nocives depuis sa jeunesse, disons pour l’exemple malgré l’attention et la diligence de ses parents à lui enseigner des principes justes, au point de s’être rendu impropre à une vie sociale normale , incluant travail et gestion de ses finances ? A-t-il alors une place au foyer ?


Il est intéressant de noter que le Livre de Mormon décrit deux cas de figure, selon que l’on parle de l’Église et de transgressions des commandements ou de la société et de criminalité .


En ce qui concerne l’Église, le Seigneur est clair (3 Néphi 18 : 22-23, 28-32) :


Et voici, vous vous réunirez souvent ; et vous n’interdirez à personne de venir à vous lorsque vous vous réunirez, mais vous souffrirez qu’ils viennent à vous et ne le leur interdirez pas ;
mais vous prierez pour eux et ne les chasserez pas ; et s’ils viennent souvent chez vous, vous prierez le Père pour eux, en mon nom.
Et maintenant, voici, ceci est le commandement que je vous donne : que vous ne permettrez sciemment à personne de prendre ma chair et mon sang indignement, lorsque vous les bénirez ;
car quiconque mange et boit ma chair et mon sang indignement, mange et boit la damnation pour son âme ; c’est pourquoi, si vous savez qu’un homme est indigne de manger et de boire de ma chair et de mon sang, vous le lui interdirez.
Néanmoins, vous ne le chasserez pas de parmi vous, mais vous le servirez et prierez le Père pour lui, en mon nom ; et s’il se repent et est baptisé en mon nom, alors vous le recevrez et lui donnerez de ma chair et de mon sang.
Mais s’il ne se repent pas, il ne sera pas compté parmi mon peuple, afin qu’il ne détruise pas mon peuple, car voici, je connais mes brebis, et elles sont comptées.
Néanmoins, vous ne le chasserez pas de vos synagogues, ou de vos lieux de culte, car vous continuerez à servir de telles personnes ; car vous ne savez pas si elles ne reviendront pas et ne se repentiront pas, et ne viendront pas à moi d’un cœur pleinement résolu, et je les guérirai ; et vous serez le moyen qui leur apportera le salut.



En ce qui concerne la société et les criminels, on nous dit que la loi dont se servaient les juges avait au départ été donnée par le roi Mosiah selon les commandements de Dieu_même si, après 62 ans de démocratie, les lois ont été changées et corrompues . On peut toutefois supposer que la loi n’avait pas encore été trop modifiée à la dixième année du règne des juges, sous le règne de Néphihah, quand Alma et Amulek ont prêché dans la ville d’Ammonihah. Nous apprenons dans Alma 11 : 3 :


Or, si un homme devait à un autre, et qu’il ne voulait pas payer ce qu’il devait, plainte était déposée contre lui devant le juge ; et le juge exerçait son autorité, et envoyait des officiers pour que l’homme fût amené devant lui ; et il jugeait l’homme selon la loi et les preuves qui étaient apportées contre lui, et ainsi l’homme était obligé de payer ce qu’il devait, ou était dépouillé, ou chassé de parmi le peuple comme voleur et brigand.


Alors, sans aller jusqu’au cas de l’enfant dépendant de la cocaïne qui vole ses parents pour se fournir (bien que ce cas soit loin d’être un cas d’école), il y a de la place a priori pour considérer qu’un comportement puisse être suffisamment nuisible pour justifier une expulsion.


Quel rapport ces deux passages, qui traitent d’assemblées religieuses et de poursuites judiciaires, ont-ils avec un comportement déviant au sein d’une famille ? Et bien il se trouve que la famille est la cellule de base, et de l’Église, et de la société. Et que la famille, qu’on le veuille ou non, à son échelle, va déterminer ces deux tendances. La famille a ce double rôle, elle a cette double responsabilité, et elle a le devoir d’appliquer les principes enseignés par le Christ face au transgresseur, mais a aussi le pouvoir (et le devoir?) de se protéger en tant qu’unité, en tant que...en tant que quoi, exactement ? Et c’est là toute la question. Qu’est-ce qu’une famille, quel est son objectif ? Est-ce une machine qui peut se défaire de parties défectueuses ? A-t-on même le droit de parler de parties défectueuses ? Dans l’église comme dans un foyer, chaque membre a la possibilité de choisir de ne plus soutenir les causes embrassées par l’institution, et est libre de se retirer. C’est généralement ce qui se passe. Aussi triste soit-il, le phénomène est répandu : les individus s’éloignent d’eux-mêmes de leur famille ou de leur communauté religieuse quand ils n’adhèrent pas aux mêmes valeurs. Mais dans l’autre sens ? Est-il moral de rejeter des personnes qui « posent problème » ? Certainement, l’Église en tant qu’institution excommunie des membres, parfois pour les aider à se repentir, parfois pour protéger sa réputation ou carrément pour protéger les autres membres, et dans certains cas graves un bannissement des locaux peut avoir lieu. Mais le principe général est que même excommuniées, les personnes sont bienvenues.

Avec la famille, c’est différent. La famille, c’est à la fois le moyen et le but du plan de salut. L’Église en tant qu’institution n’est jamais que l’échafaudage qui sert à édifier des familles célestes, en leur donnant accès aux ordonnances salvatrices, en leur enseignant les principes de la vie éternelle, et en apportant son soutien là où et quand c’est nécessaire. La famille...est l’endroit où tout se joue : dans Prêchez mon Évangile, il est écrit : « Le foyer est le meilleur endroit où enseigner, apprendre et appliquer les principes de l’Évangile de Jésus-Christ ».

La phrase suivante est d’autant plus importante qu’elle peut être interprétée avec 180° d’erreur : « Un foyer fondé sur les principes de l’Évangile est un lieu de refuge et de sécurité. » Un lieu de « refuge et de sécurité »...pour qui et contre quoi ?

Le risque, en voulant à tout prix établir un refuge spirituel contre le vice, le mal, le péché, est de jeter le bébé avec l’eau du bain, de vouloir créer une illusion de pureté tout ce qu’il y a de plus pharisienne, et pour ça de rejeter de nos familles les personnes dont Dieu nous a confié la garde et la progression. « L’homme juge à ce qui frappe les yeux, mais l’Eternel regarde au coeur » (1 Sam 16:7). En voulant créer un lieu saint, on peut facilement dévier de notre objectif en oubliant ce qui sanctifie réellement, en tombant dans ce qui est humainement visible et mesurable, en privilégiant le lieu et en délaissant les personnes. « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, et que vous laissez ce qui est plus important dans la loi, la justice, la miséricorde et la fidélité : c’est là ce qu’il fallait pratiquer, sans négliger les autres choses. » (Matt 23:23) Bien entendu, la partie « sans négliger les autres choses » constitue ce qui fait notre dilemme. Mais je crois que nous avons tous un sens inné de la justice (un jeune enfant perçoit une situation injuste), et que nous sommes sur terre pour apprendre la miséricorde (ce dernier postulat peut être un débat pour une autre fois). Nous avons des ambitions dans la vie, y compris dans notre service pour le Seigneur. Nos ambitions et nos aspirations sont orientées par notre compréhension de la volonté de Dieu. Notre haine de l’apathie peut nous amener à nous réfugier dans le perfectionnisme, de crainte qu’en reconnaissant que la perfection n’est pas de ce monde déchu, nous renoncions à établir un foyer céleste, comme si notre foyer ne pouvait pas_et n’était pas supposé_être rendu parfait en Christ, par le pouvoir de sa grâce, à cause de notre foi, manifestée dans notre diligence et notre persévérance en dépit de l’opposition, de nos faiblesses, de l’imperfection. Et en rejetant notre famille, nous rejetons le moyen que Dieu nous a donné de parvenir à la perfection.


« Mais », me direz-vous, « Jésus n’a-t-il pas dit : Si quelqu’un vient à moi, et s’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses soeurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. » ? (Luc 14:26) Alors d’abord, si vous essayez de justifier votre haine de votre famille, il y a un souci au départ, parce que la haine n’est pas un principe salvateur, ensuite, Matthieu 10 donne une version plus claire du même passage :


32 C’est pourquoi, quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux ;
33 mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans les cieux.
34 Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée.
35 Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ;
36 et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison.
37 Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi


Clairement, le Seigneur se met en cause du conflit et encourage ses disciples à ne pas craindre la persécution de leurs familles qui ne croiraient pas en lui. Il n’encourage PAS ses disciples à eux, persécuter ceux qui ne croient pas comme eux (cf Alma 4:8).


Voyez-vous, la foi qui sauve, celle qui apporte la paix et l’espérance, est la foi en Jésus-Christ, en sa perfection à lui et en son pouvoir de nous sauver. Et si nous sommes appelés à nous préparer pour établir une maison qui soit un sanctuaire de foi, c’est 1) que préparation veut dire que ce n’est pas grave si on n’y est pas encore pourvu qu’on soit diligent et 2) que ce sanctuaire doit avoir en lui les fruits de la foi, l’espérance et la charité.


En fin de comptes, la gestion à la maison de comportements difficiles rejoint le principe du pardon : ne pas conserver de haine, sans toutefois cautionner, faciliter ou encourager le mal. L’amour parfait bannit toute crainte, mais l’amour véritable est exigeant et veut le meilleur pour ses bénéficiaires (faute d’un meilleur terme). Si l’Église excommunie un membre non repentant pour qu’il puisse reprendre son parcours en main, peut-être que c’est dans l’intérêt d’un Tanguy d’être mis à la porte pour qu’il prenne sa vie en main. Si l’Église excommunie des membres pour protéger les autres membres d’une influence néfaste, peut-être que le choix de ne plus héberger un membre de la famille qui cause du tort de manière répétée et soit délibérée, soit incontrôlable et insupportable est la meilleure option… Je suis plus sceptique sur la question de la réputation ; par contre plutôt que de se dire qu’on protège sa réputation en expulsant des membres de la famille qui « font tâche », je dirais que si nous n’avons pas de contrôle et de responsabilité sur l’exercice des autres de leur libre arbitre, nous avons la responsabilité de nos propres choix et de leurs conséquences. Comme l’a dit Elder Oaks (L’Amour et la Loi, Oct 2009):


En instruisant leurs enfants et en réagissant à leur comportement, les parents ont de nombreuses occasions d’appliquer ces principes. L’une de ces occasions a trait aux dons que les parents confèrent à leurs enfants. Tout comme Dieu a conféré certains dons à tous ses enfants ici-bas sans exiger leur obéissance à ses lois, les parents accordent de nombreux bienfaits comme le logement et la nourriture même si leurs enfants ne se conforment pas totalement aux exigences parentales. Mais, suivant l’exemple de notre Père céleste plein de sagesse et d’amour qui a donné des lois et des commandements pour le profit de ses enfants, les parents sages conditionnent l’octroi de certains dons à l’obéissance.
Si des parents ont un enfant rebelle, par exemple un adolescent qui boit de l’alcool ou prend de la drogue, ils sont devant une question grave. Est-ce que l’amour parental exige que ces substances ou leur consommation soient autorisées chez eux ou bien la loi, la gravité de la conduite ou les intérêts des autres enfants à la maison exigent-ils leur interdiction ?
Pour poser une question encore plus grave, si un enfant adulte vit en concubinage, la gravité des relations sexuelles en dehors des liens du mariage exige-t-elle que cet enfant sente tout le poids de la réprobation familiale en étant exclu de tout contact avec la famille ou bien l’amour parental exige-t-il qu’on ne tienne pas compte de ce concubinage ? J’ai vu ces deux extrêmes et je crois que les deux sont incorrects.
Où les parents fixent-ils les limites ? C’est là qu’intervient la sagesse des parents guidée par l’inspiration du Seigneur. Il n’y a pas de domaine où l’action des parents ait davantage besoin de l’aide divine et ait le plus de chances de la recevoir que celui de l’éducation des enfants et la direction qu’ils doivent donner à leur famille. C’est l’œuvre de l’éternité.
Lorsque les parents sont aux prises avec ces problèmes, ils doivent se souvenir de l’enseignement du Seigneur de laisser les quatre-vingt-dix-neuf brebis dans le désert pour sauver celle qui est perdue. Thomas S. Monson a appelé à une croisade d’amour pour sauver nos frères et sœurs qui errent dans le désert de l’apathie ou de l’ignorance. Ces enseignements exigent une sollicitude aimante et suivie qui nécessite bien sûr des relations aimantes et suivies.
Les parents doivent aussi se souvenir de cet enseignement fréquent du Seigneur : « Le Seigneur châtie celui qu’il aime. » (Hébreux 12:6). Dans son discours de conférence sur la tolérance et l’amour, Russell M. Nelson a enseigné : « Le véritable amour peut nous obliger à des confrontations courageuses, non à l’approbation ! Le véritable amour ne tolère pas d’attitude autodestructrice. »


En conclusion, je dirais que les principes directeurs, comme dans beaucoup de domaines et sans être révolutionnaires, sont une question 1) de motivations et d’intentions et 2) de viabilité de la mesure envisagée.

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