Les membres de l'Église désirent-ils vraiment le succès de l'oeuvre missionnaire?
- Morinehtar
- 13 sept. 2023
- 7 min de lecture
Je ne vais pas explorer ici toutes les raisons des difficultés du rassemblement d'Israël.
J'aimerais simplement attirer l'attention sur une ou deux manifestations de l'incompréhension de certains des principes régissant la croissance de l'Église.
Tout d'abord, il convient de différencier "croissance" et "croissance réelle": on peut considérer que l'Église grandit quand des gens se font baptiser (ou quand des enfants naissent dans les familles membres de l'Église) ce qui statistiquement augmente la population de l'Église.
Dans son premier chapitre, le manuel "Prêchez mon Évangile" décrit ainsi ce que signifie édifier l'église:
L’établissement et l’édification de l’Église s’opère lorsque les personnes qui ont un témoignage sont baptisées et confirmées, respectent leurs alliances, se préparent à aller au temple et contribuent à renforcer leur paroisse ou leur branche.
La pratique du service pastoral, la participation à l'oeuvre de l'histoire familiale et du temple, l'augmentation de l'autonomie, l'implication et le service rendu à la communauté, et plus généralement les fruits et les dons de l'Esprit qui fleurissent dans les foyers des membres et dans la vie des membres constituent la croissance réelle. C'est la croissance de l'application des principes de l'Evangile dans un secteur, ce qui attire les bénédictions des cieux, jusqu'au point où "une ville située sur une montagne ne peut être cachée", ce qui a pour conséquence la croissance numérique, alors qu'au contraire si la foi fait défaut et que les principes de l'Évangile ne sont pas mis en pratique, la sècheresse spirituelle fait que non seulement il n'y a pas de nouvelles personnes qui se joignent à l'Église, mais les personnes qui y sont se retrouvent frustrées de ne pas trouver de fruit sur leur arbre, frustration qui peut amener certains à quitter l'Église, qui diminue alors au lieu de croître. Alma décrit ainsi ce phénomène:
Mais si vous négligez l’arbre et n’accordez aucune pensée à sa nourriture, voici, il ne prendra pas racine ; et lorsque la chaleur du soleil viendra et le brûlera, parce qu’il n’a pas de racine, il se desséchera, et vous l’arracherez et le rejetterez.
Or, ce n’est pas parce que la semence n’était pas bonne, ce n’est pas non plus parce que le fruit n’en serait pas désirable ; mais c’est parce que votre terrain est aride et que vous ne voulez pas nourrir l’arbre ; c’est pourquoi vous ne pouvez pas en avoir le fruit.
Et ainsi, si vous ne voulez pas nourrir la parole, attendant avec l’œil de la foi d’en avoir le fruit, vous ne pourrez absolument pas cueillir du fruit de l'arbre de vie. Alma 32:38-40
Voilà pour la croissance et la croissance réelle.
Pour illustrer ce qui me fait dire que les membres ne veulent pas du succès de l'oeuvre missionnaire, je me rapporterai à ce qu'un ancien missionnaire m'a dit, c'est-à-dire qu'il s'est retrouvé à un moment donné face à un évêque qui lui a expliqué que recevoir de nouveaux membres n'intéressait pas sa paroisse, parce qu'ils avaient suffisamment de travail et de problèmes avec les membres qui étaient là.
Et je suis tenté de dire que si cet évêque, plus cynique que courageux (le vrai courage ayant été de montrer sa foi dans le pouvoir du Sauveur de diriger Son Église), n'a pas dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas, il a tout de même exprimé clairement ce que beaucoup sinon la plupart font le plus souvent, c'est-à-dire aller à l'église pour suivre des traditions, ayant certes une forme de piété, mais en en niant la puissance ou en tout cas en en oubliant le but et les implications. Oui, c'est possible, et le Seigneur nous a averti à ce sujet:
Mais il vous est commandé de demander, en toutes choses, à Dieu, qui donne libéralement ; et je voudrais que vous fassiez en toute sainteté de cœur ce dont l’Esprit vous témoigne, marchant en droiture devant moi, méditant sur le but de votre salut, faisant tout avec prière et actions de grâces, afin de ne pas être trompés par des esprits mauvais, par des doctrines de démons, ou par les commandements des hommes ; car certains viennent des hommes et d’autres des démons. D&A 46:7
Nous savons que nous devons prier avec ce que les Écritures appellent une intention réelle. Amulek décrit l'intention réelle en ces termes:
Et maintenant voici, mes frères bien-aimés, je vous le dis, ne pensez pas que ce soit là tout ; car lorsque vous avez [prié], si vous renvoyez les nécessiteux et les nus, et ne visitez pas les malades et les affligés, et ne donnez pas de vos biens, si vous en avez, à ceux qui sont dans le besoin — je vous le dis, si vous ne faites rien de cela, voici, votre prière est vaine et ne vous sert de rien, et vous êtes comme des hypocrites qui renient la foi. Alma 34:28
L'intention réelle, ou la foi, se manifeste dans l'alignement de notre conduite avec nos espoirs. Un souhait ne se transforme en but que quand, dirigé par un plan, il est recherché par l'action. Alors, que veut dire "désirer le succès de l'oeuvre missionnaire"?
Un tel désir a de nombreuses applications, en voici quelques suggestions:
Désirer le rassemblement d'Israël signifie chercher à soutenir l'enseignement des missionnaires, en se rendant disponible, plutôt que de secrètement espérer ne pas se voir attribuer une nouvelle famille à suivre dans le cadre du service pastoral (en cas de baptême par exemple).
Vouloir la croissance de l'Église implique le fait de comprendre que l'on ne va pas à l'église simplement pour retrouver nos amis, mais pour servir; que "se parler l'un l'autre du bien-être de [notre] âme" (Moroni 6:5) signifie échanger des expériences et des conseils sur la manière de développer notre foi, nous repentir et rechercher les bénédictions des cieux en vivant l'Évangile.
Désirer le succès de l'oeuvre missionnaire signifie ne pas compter sur les autres pour intégrer les nouveaux venus, y compris les personnes que nous invitons nous-mêmes à l'église. Cela signifie aussi comprendre que le fait d'intégrer implique le fait de se rendre accessible dans nos interventions (discours, commentaires, etc...). "Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur." Nous réjouissons-nous de briller en société et de satisfaire nos envies, ou de guider et d'initier les personnes qui découvrent, et recherchent?
L' oeuvre missionnaire consiste bien sûr à aimer, partager, et inviter. Parfois, on a l'impression de ne pas pouvoir avoir d'ami en dehors de l'église parce qu'on est trop "occupé" à l'intérieur de l'église, à "magnifier" nos appels. Pourtant, les exemples ne manquent pas où des dirigeants de l'Église occupés à magnifier leur appel lancent des invitations où ils se trouvent, à l'aéroport ou au supermarché.
Nous sommes fiers d'être le peuple de l'alliance, mais quand le roi nous invite au banquet, combien de fois nos boeufs ou nos champs sont-ils prioritaires à nos yeux?
Parfois, je me demande à quel point nous pouvons nous appliquer ces avertissements du Sauveur:
Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux ; vous n’y entrez pas vous-mêmes, et vous ne laissez pas entrer ceux qui le voudraient.
Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous parcourez la mer et la terre pour faire un converti ; et, quand il l’est devenu, vous en faites un fils de l’enfer deux fois plus que vous. Matthieu 23: 13 et 15
Bien sûr, je ne dis pas que tous les membres de l'Église tombent dans cette catégorie. je ne dis pas non plus que ceux qui tombent dans ces catégories y restent en permanence. J'y fais moi-même des va-et-vient. Mais il est important d'identifier ces comportements et ces attitudes pour nous en repentir quand nous nous endormons. La superficialité et la répétition forment des habitudes, qui se transforment avec le temps en traditions, et si on n'y prend pas garde, on en vient à perdre de vue le but de l'Évangile, la raison d'être de l'Église, et notre rôle en son sein.
Je voudrais parler d'un autre aspect de notre attachement à nos habitudes qui nuit à notre empressement de faire grandir l'Église dans nos régions.
Si nous aimons rêver et même plaisanter, voire prophétiser la création de pieux et la construction de temples sur le territoire de nos paroisses et de nos branches, nous sommes parfois réticents face aux implications d'une telle croissance. En effet, parmi nos habitudes, après quelques années, se trouve la familiarité des visages. Il y a toujours des gens solitaires, et des gens socialement nécessiteux, mais il y a aussi des groupes d'amis. Je ne débattrai pas ici du bien fondé ou pas de ces cercles sociaux. Je souligne simplement que pour ceux qui en ont, les sacrifices qui accompagnent la croissance de l'Église incluent la division des unités, et avec elle la fin d'associations appréciées. De telles séparations peuvent se révéler de dures épreuves pour qui n'a pas bâti sa maison sur le Roc. Ajoutons à cela, pour reprendre la question du "travail supplémentaire", la probabilité de puiser dans les réserves d'expériences (mais pas que! Le Seigneur a maintes fois montré qu'il n'hésitait pas à appeler des jeunes, des pêcheurs et autres convertis récents à l'oeuvre!) pour diriger la poursuite de l'oeuvre (comprendre: staffer les conseils de paroisse, présidences, etc) fait que encore une fois, le train-train quotidien (hebdomadaire?) est incompatible avec la croissance de l'Église de Jésus-Christ. Car les nouveaux membres ne doivent pas seulement être intégrés, ils doivent être formés et accompagnés alors qu'ils acquièrent leur propre expérience dans le royaume.

Que retenir de cet article? Quel en serait le message?
La raison d'être de l'Église est de préparer pour le Seigneur un peuple qui sera prêt à l'accueillir à sa Seconde Venue. Ceux qui demeurent fermes et persévèrent jusqu'à la fin auront alors développé la foi et les dons et attributs divins qui les rendront capables de servir le Roi des rois et de l'aider à diriger son royaume pendant le Millenium. Nous acquérons la foi, les dons et les attributs du Christ en marchant sur le chemin des alliances, c'est-à-dire en obéissant, en sacrifiant et en consacrant chaque jour, l'oeil fixé sur la gloire de Dieu. Viser moins haut ne nous permettra pas de supporter les épreuves qui doivent nous qualifier pour la vie éternelle.





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