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Ambition spirituelle : partie 3 : exercer le pouvoir de Dieu

  • Morinehtar
  • 8 mai 2024
  • 9 min de lecture

Une soeur de ma paroisse a dit dans son discours lors d'une récente réunion de Sainte-Cène: "Ce qu'on fait ou ne fait pas est finalement un bon indicateur de notre conversion". Ce n'est pas sans rappeler Elder Bednar:


L’élément essentiel de la conversion est la fidélité constante à l’Évangile. (Convertis au Seigneur, octobre 2012)

Or, l'évangile est la foi au Fils de Dieu, le fait de suivre son exemple, le fait de rechercher le royaume et d'en devenir des citoyens.


Il y a eu des moments dans ma vie où je faisais une distinction entre d'un côté des "commandements", que je regardais comme absolus, et d'un autre des...invitations? Suggestions? Bonnes idées? Par exemple: tenir un journal, développer des talents, magnifier un appel, aller au temple (j'ai grandi loin des temples, donc c'était une notion un peu abstraite jusqu'au milieu de mon adolescence), faire la soirée familiale, la généalogie, l'oeuvre missionnaire... Des choses dont j'entendais parler dans des leçons et dans des discours, mais dont la pratique ou non ne semblait pas affecter le statut des membres qui m'entouraient: ni le statut social, ni la dignité vis-à-vis des ordonnances de la prêtrise (Sainte-Cène, recommandation pour le temple, capacité à servir dans des appels). Donc même si je pouvais me sentir mal à l'aise quand j'entendais parler des choses qui me manquaient, je faisais plus ou moins taire ma conscience en considérant plus ou moins consciemment que ces choses-là étaient moins importantes, qu'elles étaient secondaires, voire venaient en bonus. Ne pas les faire n'empêchait pas l'église de fonctionner. Ou du moins c'est ce que je croyais. Car si les réunions avaient lieu, si les activités se déroulaient, l'Église, c'est-à-dire les membres qui la constituent, ne grandissait pas.

La pratique "religieuse" peut vite tomber dans la superstition, ou les intrigues de prêtres, ou même plus simplement dans des traditions vides de pouvoir spirituel, la foi exigeant une intention réelle. Une intention réelle de progresser vers une vie semblable à celle du Sauveur. Si la damnation se définit comme l'arrêt de la progression, ne pas chercher plus loin que notre routine, ne pas chercher à progresser est une forme d'auto-damnation.


Considérons la manière dont le Seigneur décrit une situation d'apostasie, au prophète Esaïe dans l'ancien Israël, ou plus récemment au jeune Joseph Smith:


Le Seigneur dit : Quand ce peuple s’approche de moi, il m’honore de la bouche et des lèvres ; mais son cœur est éloigné de moi, et la crainte qu’il a de moi n’est qu’un précepte de tradition humaine. Ésaïe 29:13
Ils s'approchent de moi des lèvres, mais leur coeur est éloigné de moi; ils enseignent pour doctrine des commandements d'hommes, ayant une forme de piété, mais ils en nient la puissance. Histoire de Joseph Smith v 19

L'Église de Jésus-Christ a été rétablie sur la terre, avec les clés de la prêtrise pour diriger l'oeuvre du salut et de l'exaltation. Pourtant, on peut considérer que le rétablissement n'a pas encore eu lieu pour ceux qui n'en ont pas encore bénéficié, soit parce qu'ils n'en ont pas encore entendu parler, soit dans une certaine mesure parce que même en faisant partie de l'Église rétablie ils n'ont pas encore pris conscience de l'abondance des bénédictions auxquelles ils ont droit. Et individuellement ou collectivement quoique pas généralement, les membres de l'église qui vivent dans une "sécurité charnelle" peuvent peut-être s'identifier aux versets précités, ce qui génère une frustration qui peut mener au découragement, ou pire au cynisme.


Pourtant, les prophètes nous enseignent à rechercher et à accroître l'influence du Saint-Esprit dans notre vie. C'est un thème récurrent des conférences générales de ces dernières années, mais le principe n'est certainement pas nouveau.


En vérité, je te dis que tu délaisseras les choses de ce monde et rechercheras les choses d’un monde meilleur. D&A 25:10
Je voudrais vous exhorter à venir au Christ, et à vous saisir de tout bon don (Moroni 10:30)

Certaines personnes peuvent avoir un don de discernement, alors que d'autres vont développer leurs compétences d'observation et d'analyse. Il ne faudrait pas mettre les deux en opposition, ou penser que le don exempte de la responsabilité de travailler, comme l'exemple d'Oliver Cowdery le montre: "Voici, tu n’as pas compris ; tu as pensé que je te le donnerais, alors que ton seul souci était de me le demander.

Mais voici, je te dis que tu dois l'étudier dans ton esprit ; alors tu dois me demander si c’est juste [...]" (D&A 9: 7-8).

On peut différencier dons et talents en attribuant le nom de "dons" aux manifestations du pouvoir du Saint-Esprit spécifiquement appliquées à l'oeuvre du Seigneur, et généralement octroyés conjointement avec une tâche et limités à la période associée à la tâche (lors d'un appel par exemple). Bien sûr, les dons spirituels peuvent (doivent?) stimuler le développement des talents: par exemple le don des langues pour les missionnaires, où dans certaines occasions le Saint-Esprit transmet des messages au-delà des barrières langagières, mais qui ne se substitue pas aux efforts réels d'apprentissage. En l'occurrence, il est aussi de la responsabilité du missionnaire d'entretenir et de développer ses compétences au-delà de la mission. De même, après la traduction du Livre de Mormon par le don et le pouvoir de Dieu, Joseph Smith s'est lancé dans l'étude de l'allemand et de l'hébreux pour développer ses propres capacités à lire et comprendre les Écritures.


Les disciples de Jésus-Christ qui l'ont suivi dans les eaux du baptêmes ont reçu par la suite le Don du Saint-Esprit, et la promesse d'être guidés, consolés, protégés et fortifiés tout au long de leur vie et dans leur ministère, dans la mesure où ils s'efforcent de garder les commandements dans le but de devenir comme Lui.


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Les instructions données aux missionnaires dans Prêchez mon Évangile s'appliquent aussi bien aux membres de l'Église servant leurs familles, les membres de leurs paroisses et pieux, et plus généralement leur prochain:


En plus de l’autorité, vous avez besoin de pouvoir spirituel pour remplir votre appel. Dieu vous donne du pouvoir spirituel lorsque vous vous efforcez constamment de renforcer votre témoignage de lui, de Jésus-Christ et des vérités de l’Évangile que vous enseignez. Il vous confère du pouvoir spirituel lorsque vous priez, étudiez les Écritures et cherchez à atteindre votre objectif missionnaire. Il vous accorde du pouvoir spirituel lorsque vous vous efforcez de respecter ses commandements et les alliances que vous avez contractées lorsque vous avez reçu les ordonnances du salut (voir Doctrine et Alliances 35:24).
Ce pouvoir spirituel se manifeste lorsque vous :

Ammon a témoigné à ses frères de ce même principe:


Oui, à celui qui se repent, et fait preuve de foi, et produit de bonnes œuvres, et prie continuellement, sans cesse, à celui-là il est donné de connaître les mystères de Dieu ; oui, à celui-là il sera donné de révéler des choses qui n’ont jamais été révélées ; oui, et c’est à celui-là qu’il sera donné d’amener des milliers d’âmes au repentir, tout comme il nous a été donné d’amener ceux-ci, qui sont nos frères, au repentir. Alma 26:22

Alors, exercer le pouvoir de Dieu, accomplir des miracles, est-il facultatif ou obligatoire? Est-ce un bonus pour ceux qui en ont le loisir ou la vocation, est-ce au contraire une institution qui en fait un critère de jugement de valeur?

Certains chrétiens ont en tout cas compris que c'était une preuve de leur foi, quitte à jouer avec des serpents pour la démontrer.


Et s'y méprendre, on pourrait prendre comme une injonction pressante cette promesse des Évangiles:


Puis il leur dit : Allez dans le monde entier et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné. Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom, ils chasseront les démons ; ils parleront de nouvelles langues ; ils saisiront des serpents ; s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur feront pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades seront guéris.
Et ils s’en allèrent prêcher partout. Le Seigneur travaillait avec eux, et confirmait la parole par les miracles qui l’accompagnaient. Marc 16:15-18, 20

Alors, pourquoi pas nous? Après tout, ne proclamons-nous pas le rétablissement de l'Église primitive, de l'autorité d'agir au nom du Christ sur terre?


J'ai longtemps été hanté par les paroles du prophète Mormon...


Voici, je vous dis que non ; car c’est par la foi que les miracles s’accomplissent ; et c’est par la foi que les anges apparaissent aux hommes et les servent ; c’est pourquoi, si ces choses ont cessé, malheur aux enfants des hommes, car c’est à cause de l'incrédulité, et tout est vain.
Car nul ne peut être sauvé, selon les paroles du Christ, s’il n’a la foi en son nom ; c’est pourquoi, si ces choses ont cessé, alors la foi a cessé aussi ; et affreux est l’état de l’homme, car il est comme si aucune rédemption n’avait été faite. Moroni 7:37-38

...et par celles de son fils Moroni:


Et le Christ a dit en vérité à nos pères : Si vous avez la foi, vous pouvez faire tout ce qui m’est utile.
Et maintenant, je parle à toutes les extrémités de la terre : Si le jour vient où le pouvoir et les dons de Dieu cessent parmi vous, ce sera à cause de l'incrédulité.
Et malheur aux enfants des hommes si c’est le cas ; car il n’y en aura aucun qui fera le bien parmi vous, pas même un seul. Car s’il y en a un seul parmi vous qui fait le bien, il agira par le pouvoir et les dons de Dieu. Moroni 10 :23-25

Il y a plusieurs commentaires que je voudrais faire à ce sujet:


  • d'abord, là où je n'ai pas toujours été à l'aise, c'était dans l'impression qu'on avait tendance à parler de "petits miracles": cela ressemble à une manière d'essayer de remplacer les "grands miracles" par des "petits". Le fait même d'employer le terme "petit" suggère que le locuteur ne juge pas ce dont il parle comme comparable à ce qu'il lit dans les Écritures. Pire, le fait de s'en contenter suggère l'inaccessibilité ou l'indésirabilité de ces "plus grands" miracles...

  • En réponse au précédent commentaire, on peut rappeler que les dons de Dieu sont variés et qu'on se limite si on ne fait qu'attendre des manifestations spécifiques de son pouvoir. Après tout Jésus a régulièrement parlé de l'importance d'avoir des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, et on fait bien de reconnaître sa main en toutes choses. D'autre part, quand il dit "tout ce qui m'est utile", il est clair que son objectif est de sauver l'âme avant de sauver les circonstances ("Car voici mon oeuvre et ma gloire: réaliser l'immortalité et la vie éternelle de l'homme"). Quand il a nourri les 5000 personnes, Jésus a dit ses disciples: "Donnez-leur vous-même à manger"; et pourtant c'est lui, le Maître, qui a multiplié les pains et les poissons. Quand des anges ont été envoyés pour labourer des champs ou avancer le travail de l'imprimeur de la première édition du Livre de Mormon, cela s'est toujours produit de manière discrète.

  • Toutefois nos attentes sont proportionnelles à notre foi, et s'il est clair que notre foi peut être mal placée si elle n'est pas en accord avec la volonté de Dieu, les oeuvres de la foi demeurent la colonne vertébrale de l'Évangile, comme en témoignent Paul (Hébreux 11) et Moroni (Ether 12:7-22).


La présence du pouvoir de Dieu est une conséquence de l'exercice de la foi, bien que ce pouvoir se manifeste différemment selon les circonstances, ce qui bannit toute comparaison entre fidèles. Nous sommes tributaires de la volonté, de la sagesse, du plan de Dieu. Mais l'exercice de la foi produit des miracles, comme la chaleur cuit la nourriture.


La "nécessité" de rechercher les miracles n'est pas tant une injonction institutionnelle , c'est-à-dire qu'on ne nous dit pas qu'il faut accomplir les 10 plaies d'Egypte à la façon des 12 travaux d'Hercule pour avoir une recommandation pour le temple... En revanche, elle est liée au principe de progression qui dans le plan de salut est fondé sur le libre arbitre. On va aussi loin qu'on le veut bien. Par la grâce du Christ, les seules limites de notre progression sont celles que nous nous fixons, que ce soit par manque de foi ou de vision, ou encore par paresse...La vitesse de notre progression importe peu. Mais nous devons activement chercher à avancer.



La question n'est pas de chercher à être considéré comme quelqu'un de bien par les autres membres de l'Église. Pour moi en tout cas, il s'agit d'une part de me demander si je suis satisfait de la manière dont je vis l'Évangile, dont il fait une différence dans ma vie, si je grandis, je progresse, si je m'épanouis, si je vois la main de Dieu agir dans ma vie....Et sachant que je n'atteindrai pas la perfection au cours de ma vie, comment je peux augmenter toutes ces choses. D'autre part, je me demande aussi si je vis la vie que mon Père Céleste désire pour moi, ayant foi que "ma meilleure vie possible" est la vie qu'un Père parfait et aimant veut m'enseigner, la vie pour laquelle le Christ s'est sacrifié pour que je puisse la construire en pratiquant des principes célestes jusqu'à devenir un être céleste et développer un coin des cieux dans mon environnement.


Et c'est dans ce sens que la frustration des avertissements de Mormon et Moroni est salutaire: j'ai arrêté d'être mal à l'aise avec ces avertissements quand je me suis rendu compte qu'ils étaient la solution au risque de routine religieuse improductive dont je parlais au début de l'article: l'Évangile a davantage à offrir qu'une piété culturelle sans but réel. Et le meilleur de tout ça, c'est que ça s'aligne parfaitement avec les invitations répétées du prophète d'augmenter notre capacité à recevoir la révélation, d'augmenter notre foi et de rechercher des miracles.


 
 
 

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