Démocratie et plan de salut
- Morinehtar
- 25 avr. 2022
- 7 min de lecture

Entre les élections présidentielles et législatives françaises et le nouvel épisode de la guerre froide en cours, le moment semble approprié pour parler un peu de la place de la démocratie dans le plan de salut.
On a coutume de dire que la démocratie est le régime politique le moins pire, qu'il présente des faiblesses, notamment la démagogie, et l'absence ou l'insuffisance de la qualification des candidats ou des électeurs...
Mais on ne peut évaluer quoi que ce soit qu'en fonction d'objectifs définis. En l'occurrence, l'ordre et la sécurité sont les "valeurs" (souvent des prétextes, en fait) avancées par les dictatures, pour qui le contrôle est la réponse au chaos. D'autres objectifs pourraient êtres prônés: une dictature socio-écologique mettrait fin aux conflits d'intérêts qui entravent les idéologies concernées.
Or, non seulement les idéologies humaines sont sujettes à imperfections (difficilement corrigibles, qui plus est, en l'absence de contestation) et leurs objectifs souvent illégitimes (Lutte des classes? Imposer l'égalité? Sauver la planète? Gloire nationale?) , mais le prix de la dictature est l'annhilation de l'individu. Or, l'existence dépasse la vie mortelle, le cadre de vie temporel n'est pas une fin en soi, et la liberté, l'accroissement, le développement, la progression et l'épanouissement individuels sont au coeur du plan de salut et de la raison d'être de la création de la terre et de notre présence sur elle.
Le libre arbitre était au coeur du conflit qui a divisé les enfants de Dieu dans le monde pré-mortel. L'enjeu principal pour lequel nous sommes venus sur terre est la progression de chacun à travers l'exercice juste du libre arbitre par la foi en Jésus-Christ (=en son oeuvre, en son plan, en sa bonté et son amour, en son sacrifice et sa grâce, en ses enseignements). Apprendre à discerner le bien du mal, la lumière par opposition aux ténèbres, et apprendre à choisir le bien par la foi et par le repentir. Développer le potentiel divin de chaque individu qui naît sur la terre, aussi loin que ses capacités le lui permettent au cours de son voyage terrestre, pour poursuivre ce voyage dans l'éternité dans la direction qu'il aura choisie.
Dès lors, pour permettre aux enfants de Dieu d'accomplir ce pour quoi ils sont là, il faut qu'ils puissent vivre dans un cadre où les entraves à la liberté sont limitées. Nous vivons dans un monde déchu, téleste, corrompu: il y a des inégalités, il y a des tyrans, il y a des handicaps physiques, psychologiques, intellectuels, économiques....Et les hommes vivant en société, ils s'organisent pour régir leur vie en communauté. Et c'est dans la manière de distribuer droits, devoirs, responsabilités individuelles et communes que les règles doivent être établies de façon à permettre le développement individuel.
La section 134 des Doctrine et Alliances est une "déclaration de croyance relative aux gouvernements et aux lois en général, adoptée à l’unanimité par une assemblée générale de l’Église tenue le 17 août 1835 à Kirtland (Ohio)."
Je ne vais pas la citer en entier (même si je vous encourage à l'étudier), mais quelques extraits devraient nous éclairer dans notre présente réflexion:
1 Nous croyons que les gouvernements ont été institués par Dieu pour le bénéfice de l’homme et qu’il tient les hommes pour responsables de leurs actes vis-à-vis d’eux, tant pour la promulgation de lois que pour leur application pour le bien et la sécurité de la société.
2 Nous croyons qu’aucun gouvernement ne peut vivre en paix si ne sont arrêtées et ne demeurent inviolées des lois qui garantissent à chacun la liberté de conscience, le droit à la propriété et la protection de la vie.
Nous voyons là plusieurs principes importants: les lois et gouvernements sont au service des hommes et non le contraire; les hommes [et les femmes, si ce n'était pas clair] sont responsables et ne doivent ou ne peuvent pas se dédouaner vis-à-vis de Dieu de cette responsabilité; et enfin, la liberté de conscience, le droit à la propriété et la protection de la vie sont importants dans la réalisation du plan de Dieu dans la vie de chacun. La place de la démocratie (dont les formes sont variées et discutables, nous sommes d'accord) commence à prendre son sens.
Le reste de la section traite d'officiers civils, de liberté de religion, de pouvoir judiciaire, et de prédication de l'évangile: le fonctionnement d'un système, et la liberté de suivre le Christ et de promouvoir son évangile.
Pour aborder plus précisément la question de la responsabilité de chacun dans ces questions, je me réfèrerai au roi Mosiah, qui s'est efforcé dans Mosiah 29 de convaincre son peuple de se tourner vers un système démocratique.
Il est intéressant de noter que le roi Mosiah n'était ni le premier ni le seul dirigeant juste à vouloir détourner son peuple du désir d'avoir un roi. Le prophète Samuel s'est attristé quand le peuple d'Israël a voulu un roi pour imiter les nations qui l'entourait. Néphi aussi aurait préféré ne pas établir de roi (2Néphi 5:18) sur le peuple qui a par la suite porté son nom. Le frère de Jared avait éprouvé des sentiments similaires longtemps auparavant (Ether 6:22-23). Régulièrement on voit les serviteurs de Dieu s'opposer à la monarchie, principalement parce qu'elle représente un danger pour la liberté de culte, directement ou indirectement: soit par la volonté directe d'un monarque ennemi de l'Eglise, soit par l'influence d'un monarque cédant à diverses tentations.
Mais si le roi Mosiah parle abondamment des mêmes risques liés à la monarchie que ceux qui inquiètent Samuel, Néphi, Jared et son frère, et d'autres, il parle aussi en faveur de la responsabilité individuelle.
33 Et le roi Mosiah leur écrivit encore beaucoup d’autres choses, leur dévoilant toutes les épreuves et toutes les préoccupations d’un roi juste, oui, toutes les peines que se donne son âme pour son peuple, et aussi tous les murmures du peuple à son roi ; et il leur expliqua tout cela.
34 Et il leur dit que ces choses ne devaient pas être ; mais que le fardeau devait tomber sur tout le peuple, afin que chaque homme supportât sa part.
35 Et il leur dévoila aussi tous les désavantages dont ils souffriraient en laissant un roi injuste les gouverner ;
38 C’est pourquoi, il abandonna son désir d’avoir un roi et devint extrêmement anxieux de donner à tout homme une chance égale dans tout le pays ; oui, et chaque homme se dit disposé à répondre de ses propres péchés.
Chaque homme devra de toutes façons répondre de lui-même au jugement dernier.
Je pourrais parler de crimes de guerre, mais le principe est bien plus proche de la vie quotidienne. Pour citer le film Le casse du siècle sur la crise des subprimes :
Quand on parle de régime politique et de liberté, on parle du pouvoir d'agir non seulement pour administrer une société donnée, mais pour l'influencer dans son évolution. Dans le cadre du plan de salut, donné pour la progression des individus, la nature et la qualité des interactions entre individus, dont la somme forme la société, sont la responsabilité de chacun des individus en question. Tant sur le plan économique que moral, judiciaire, sécuritaire, etc, une vraie démocratie ne peut exister que si "chaque homme [et femme] supporte sa part", et agit, sans se reposer sur un gouvernement pour répondre de la qualité de chaque vie. Bien sûr que l'action collective, les institutions ont leur place, mais pas au point de faire oublier aux administrés leur part de responsabilité, car dans le cas contraire, les gens se privent eux-mêmes de leur capacité de croître en tant qu'agents libres, ce qui est contraire au but de la création.
Le fait de voter est un symbole de la démocratie, mais la démocratie va bien au-delà de ça. Car si voter revient à désigner un bouc émissaire moral pour les échecs de la société, alors la démocratie n'existe pas. On assume sa part de responsabilité en recherchant un maximum d'autonomie, et en cherchant à contribuer au progrès de la communauté. Dans nos relations interpersonnelles, dans notre engagement dans la vie associative, dans l'acquisition, le développement, la mise en pratique et le partage de valeurs personnelles. Dans tous ces exemples j'inclus l'engagement ecclésiastique, car servir au sein d'une communauté religieuse sert les mêmes objectifs. Et l'Eglise de Jésus-Christ en particulier, non seulement le fait dans l'intention délibérée de précisément permettre le développement divin de ses membres, mais représente par là un modèle organisationnel pour une société fondée sur l'autonomie et la coopération, et ce dans et pour la liberté, et non de façon contrainte. Car le progrès n'est pas atteint sous la contrainte. Souvenez-vous du plan de salut: le progrès, la croissance, ne se réalisent que par l'exercice du libre arbitre. La contrainte extérieure ne remplace pas la discipline personnelle dans l'optique de la progression individuelle.
Ainsi, la démocratie est moins menacée par l'abstentionnisme électoral que par l'individualisme et le désintérêt des personnes pour leur entourage, leur environnement social, leurs voisins, leur communauté. C'est le désengagement des projets, des associations, le fait de se dire que "c'est la responsabilité des autres, et en particulier de l'Etat". C'est l'ambition individuelle réduite à du pain et des jeux.
Il y a tant à faire. Je ne dis pas que nous échouons en tant que démocratie si nous ne parvenons pas à résoudre tous les problèmes dont nous sommes conscients. Une société libre dans un monde déchu est en proie à de nombreuses injustices, à cause (ou grâce à?) justement de la liberté de chacun de suivre les aspirations de sa conscience. Mais je crois que nous contribuons à accomplir les prophéties concernant les derniers jours et laissons la place à la tyrannie et à l'oppression en restant passifs, que nous participons à ce que la charité du plus grand nombre se refroidisse en fermant nos portes et en fermant les yeux. Je ne crois pas que notre progression éternelle dépende de nos accomplissements, mais je crois qu'elle est définie par notre engagement. Notre engagement à acquérir et à développer ce que les Écritures (2 Pierre 1:5-8) appellent les vertus chrétiennes, en persévérant jusqu'à la fin sur le chemin des alliances de l'évangile de Jésus-Christ rétabli en ces derniers jours pour préparer le Seconde Venue du Sauveur du monde et son règne sur terre.
L'Evangile de Jésus-Christ est un évangile d'action. C'est un évangile de responsabilité, qui ne peut se vivre que délibérément, par l'exercice continuel du libre arbitre.





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